Sur une hauteur, le Réprouvé contemplait la Cité des Morts, dont il pouvait deviner l’activité sous les ruines de Lordaeron.
L’Ordre avait été fondé, enfin ! Les Chevaliers d’Achérus avaient été plus nombreux qu’il ne l’avait imaginé à répondre à l’Appel.
Oh, il manquait bien des Frères et des Sœurs, mais les batailles du Norfendre et les défections avaient ravi bien des Chevaliers à la Forteresse d’Achérus.
Mais désormais les siens sauraient se réunir à Achérus, qui ne serait pas abandonné aux plus audacieux ou aux moins méritants. La Forteresse était en soi une véritable Prise, qui valait bien les efforts que l’on se donnait pour l’Ordre. Il était vital qu’elle ne tombe pas entre les mains de l’une ou de l’autre des Factions qui se disputaient le Nord.
Le Nord… qui n’accepterait pas de gaieté de cœur la Paix d’Achérus, de cela il ne fallait plus douter.
Les Sin’Doreïs de Lune d’Argent s’étaient les premiers insurgés contre la mise sous Protectorat de leur Nation. Sans doute avaient-ils le plus souffert des exactions des Chevaliers du Roi-Liche au temps de la puissance du Fléau.
Une lettre en main, le Réprouvé songea à Lune d’Argent. Ses adversaires avaient vite contre-attaqué.
Dame Loïciane Sol’Arÿn répondait à son tour aux Ailes Noires :
Asto're Chevaliers d'Achérus,
Nous vous remercions vivement de votre intérêt pour notre royaume, mais si celui ci à besoin d'alliés en ces temps troublés, il n'a nul besoin de votre Protectorat.
Nous rejetons donc votre proposition en son état actuel, mais nous vous invitons à venir vous en entretenir si cela est votre souhait.
Loïciane Sol'Arÿn
Consule de Lune d'Argent.
Les Sin’Doreïs semblaient avoir perdu le goût de la paix depuis qu’ils étaient entrés dans la Horde.Ils étaient en quête d’alliés et non d’amis. Ils rejetaient la Paix d’Achérus… du moins leurs voix officielles.
Mais ils ne fermaient pas complètement la porte aux négociations. Par pure forme ? Était-ce la crainte des anciens servants du Fléau qui les retenait de pousser leur morgue aussi loin ? Étaient-ils au contraire sincères ?
Ou encore était-ce la conscience que Fossoyeuse prise dans son effort de guerre à l’Ouest et au Sud des terres de la Horde, Lune d’Argent restait sans autre défense que la seule valeur de ses propres forces et celle des Mercenaires entretenus par leur Trésor ?
Qu’importait, il irait s’entretenir avec la Consule de Lune d’Argent, qu’il avait connu en tant que Capitaine de l’Ordre des Veilleurs. A l’époque, où son allégeance n’allait qu’au seul Trident et aux belles lettres, les choses eussent été plus simples entre eux.
Mais désormais, Dame Loïciane Sol’Arÿn était Consule et Rälkezad l’une des voix de l’Ordre.
Le doute l’assaillait. Il fallait désormais s’assurer de la terrible Fossoyeuse, dont la machine de guerre donnait la pleine puissance de sa mesure depuis la Chute du Roi-Liche et le relâchement de la menace du Fléau.
C’est à Fossoyeuse que l’Ordre se porterait en suivant. Il leur faudrait faire vite pour sauver le bastion d’Austrivage de la destruction ainsi que les enclaves humaines des Pins Argentés.
Les Légionnaires de fer n’avaient toujours pas répondu. Peut-être leurs lignes avaient-elles déjà été coupées des Maleterres.
Oui, le temps manquait déjà, et même si Dame Loïciane Sol’Arÿn ne le savait pas, elle faisait le jeu de ses ennemis en lui prenant le peu qu’il restait.