[Ce qui suit traduit un évènement inter-guilde qui s'est déroulé le jeudi 17/06/2010, à 21h50 (à guichet fermé, d'où l'indication a posteriori sur le forum officiel du Royaume). Les Guildes présentes étaient les suivantes : Pavillon Noir du côté Alliance, Les Maisons Sin'Doreï (principalement Maison Celwë), La Sombre Assemblée, Le Trident du Fou du côté de la Horde.
Victoire manifeste de Pavillon Noir.]
Le conteur reprenait son souffle en même temps que le fil de ses souvenirs. Des passants s'étaient assis autour de lui pour l'écouter plus à leur aise. D'autres, curieux de connaître les raisons de l'attrouppement, s'étaient eux aussi arrêtés.
"Voici maintenant le récit de la deuxième attaque de Théramore, qui échoua mais qui fut cause de bien des tragédies encore..."
L'ATTAQUE DE THERAMORE :
Théramore est une Citadelle de l'Alliance située sur une ile au large du Marécage d'Âprefange, dirigée par Jaina Portvaillant. Elle compte 9.500 habitants, et est le siège de la nouvelle alliance de Kalimdor. Au départ forteresse militaire, elle est devenue un port de commerce.
Les relations diplomatiques entre les humains de Théramore et ceux des Royaumes de l'Est, en particulier celui d' Hurlevent, sont également très tendues ; la capitale de l'Alliance devant selon les habitants revenir à Théramore et à Jaina Portvaillant, dernière descendante des fondateurs de l'Alliance, et non à Hurlevent. Les deux cités se rejettent également les fautes commises lors de la dernière guerre. (Encyclopedia de Kalimdor).
«
On s’en fout, de Théramore ! » (Roi Varian Wrynn).
Aux Morts !
Dehors toute la ville fêtait la victoire sur l’ennemi. Les pêcheurs et les marins dansaient avec leurs femmes, la plupart des soldats de la garnison trinquaient avec les pirates de Pavillon Noir sans trop d’arrière-pensées, les enfants couraient entre les tables du banquet…
Mais ici l’ambiance était moins heureuse : une odeur de mort dominait le fumet du banquet. Les mouches des marais faisaient elles aussi bombance, buvant avec voracité aux plaies des blessés. Dans la cour de l’infirmerie de fortune, les cadavres étaient alignés, du tissu de voile les recouvrant complètement.
Dans la fin de soirée, bien au-delà des murs de la cité, un bûcher avait été allumé pour brûler les ennemis morts, qui jonchaient le pavé de Théramore à la fin des combats.
Le capitaine de la garnison, son bras en écharpe, marchait entre les rangées de blessés, ne détournant pas les yeux lorsqu’un médecin sortait sa scie et que l’on retenait le blessé qui convulsait sous le va et vient de l’instrument. Les femmes réconfortaient ceux qui ne pourraient plus marcher, ou tenir un verre de leur main.
Les blessures n’étaient jamais belles à voir. Mais ici la variété des coups portés interpellait l’officier, vétéran de maintes campagnes. Lames grossières, morsures et griffures, enfoncements, pointes de flèches elfiques, vieilles lames de Lordaeron aujourd’hui maudites, crochets cruels, sans parler des blessures magiques, brûlures, poisons de combat… La Horde dans toute sa diversité avait frappé Théramore.
Orcs des Tarides, Taurens des Pitons du tonnerre, naguère si pacifiques, nobles Elfes de Lune d’Argent, Réprouvés de tous rangs, Trolls d’Orgrimmar… Ce Cameron avait eu raison, Théramore avait été attaquée par la Horde et non par quelques mercenaires isolés. La neutralité leur avait été arrachée, volée.
Si Théramore n’était pas tombée, ce n’était pas grâce aux soldats de la garnison, submergés dès le début de l’attaque. Et la Horde n’avait pas ménagé ses efforts pour punir la cité d’avoir secouru les pillards de Pavillon Noir. Le capitaine était reconnaissant aux flibustiers d’avoir sauvé à leur tour la cité. Mais il leur en voulait de devoir leur en être reconnaissant.
Oh certes, Pavillon Noir avait payé le prix du sang, lorsqu’ils avaient débarqué sur les quais fraichement investis par les assaillants. La soudaineté de leur arrivée dans le port avait permis de sauver la quasi-totalité des navires, qui n’avaient pas été incendiés. Quant il pensait que c’était lui-même qui avait ordonné aux civils de se réfugier dans les cales des navires… le capitaine eut un court frisson d’horreur.
Si le nettoyage des quais avait coûté aux pirates quelques vies, malgré la désorganisation des groupes d’assaillants éparpillés, qui se livraient déjà au pillage des maisons alentours, les morts se comptaient en dizaines parmi les miliciens et les soldats de la garnison. Les civils l’avaient échappé belle pour la plupart, réfugiés dans le donjon ou les cales des navires. Pour l’heure, trop heureux d’être encore en vie, ils n’avaient pas encore fait les comptes, mais très bientôt ils s’apercevraient de ce que leur avait coûté cette victoire.
Le capitaine s’aperçut qu’un des chefs pirates l’avait rejoint et contemplait lui aussi silencieusement l’éprouvant spectacle. Il avait un air tranquille, comme si son âme ne pouvait être troublée par aucune douleur. Le capitaine se tourna vers lui.
Face à la question muette du capitaine, le pirate répondit : «
Crowley, capitaine. Je commande au navire qui a accosté en second. »
Le silence retomba. Le capitaine inspira : «
Sortons. »
Sur le perron du bâtiment, le capitaine prit le pirate par les épaules et le plaqua contre le mur : «
Vous nous avez piégés ! Je n’ai jamais voulu cela ! C’est vous les responsables de cette boucherie ! Cela vous plaît de vous battre, vous allez et venez, libres de tout engagement, d’un champ de ruine à un autre. Fils de la guerre, vous n’engendrerez vous-même que la destruction et la haine. Comment osez-vous festoyer avec nous ? »
Crowley regarda calmement le capitaine : «
Nous avons réveillé les gens de Théramore, capitaine. Ils ont, vous avez, fait un choix, lorsque les nôtres se sont présentés à votre porte. Vous saviez alors confusément de quel côté vous êtes et resterez à jamais.
Vous avez simplement oublié le prix que nous payons tous, à être ce que nous sommes. Le prix de vos choix. Cameron avait raison : vous rouillez, ici, sous vos armures polies. Vous avez intérêt à vous réveiller pour de bon avant la suite. Nous ne serons pas toujours là pour protéger votre commandante… »
Comme giflé, le capitaine relâcha son étreinte et laissa le pirate qui descendait le perron sans lui jeter un regard. Le capitaine posa son front sur la pierre rugueuse du mur. Le pirate avait raison, Théramore avait fait et ferait encore des choix et les paierait encore demain.
Crowley s’approcha d’une table, prit une chope, en versa cérémonieusement un peu de son contenu par terre et, croisant le regard d’un milicien, leva son poing tenant sa chope : «
Aux Morts ! »
Le milicien, qui ne devait jamais avoir vu de Draeneï jusqu’alors se ressaisit et articula : «
Aux Morts Glorieux ! »
«
Ah oui, comme ils sont glorieux, les morts… » pensa Crowley. Le milicien n’avait pas du lever les draps de voile qui recouvraient nombre de ses compagnons. Le pirate s’éloigna déguster sa bière à l’écart. Saluant un de ses matelots en goguette avec une veuve point trop épleurée, il monta sur le chemin de ronde, embrassant du regard l’orée des marécages d’Âprefange. Ayant fini de boire, il jeta négligemment la chope de terre cuite par-dessus le muret et repensa aux combats de la journée…
Reprenez les quais !
De manière inexplicable, c’est Zacaries, en plein transbordement de lainages et de toiles sur un navire gobelin au large de baie du Butin, qui était allé trouver Crowley, avec qui il avait décidé d’aborder l’embarcation des marchands de Baie-du-butin : «
Capitaine Crowley, il nous faut faire voile vers Théramore. J’ai une curieuse intuition. Le navire de Cameron doit croiser un peu plus au Sud de Tanaris en ce moment, mais on ne sera pas de trop avec lui aussi. »
Crowley avait songé à discuter, après tout le capitaine Zacaries était son égal et Théramore n’était pas parmi les cibles lucratives du moment depuis que la Fraternité du Pavillon Noir les avait décrétés intouchables. Mais quelque chose dans le regard habité de l’Elfe l’avait incité à opiner du chef. Les Draeneï savent qu’il est parfois bon de suivre les vents de la pensée aussi bien que ceux des mers.
Et en effet, les vents avaient favorisé les pirates, qui avaient rencontré peu avant leur entrée dans les eaux de Théramore le navire de Cameron. Celui-ci, pour une raison que ne donna pas son cousin, était resté à terre à Tanaris, mais le Nain accepta d’accompagner les deux capitaines. Ils hissèrent alors le pavillon de Théramore en plus de leur pavillon noir.
Le vent n’avait pas faibli et lorsqu’ils furent en vue du port de Théramore, ils purent voir les soudards de la horde investir la place forte, noyant la garnison dans un déluge de sauvagerie. Ce fut alors une course terrible pour aborder les quais avant qu’ils ne soient trop bien tenus. Déjà, des Elfes de Lune d’Argent accaparaient les batteries de canons sur les quais…
Les planches n’avaient pas été jetées sur le quai que les pirates se ruaient déjà à l’assaut : ils partaient littéralement à l’abordage des quais. Les soldats de Théramore, saisis d’un flottement, comprirent que les pirates leur venaient réellement à l’aide et engagèrent à leur tour une contre-attaque, s’organisant autour des flibustiers, dos à dos.
Ce fut le combat le plus terrible que connut Théramore depuis la venue de Thrall dans les lieux. Les Elfes de Sang, et les Trolls faisaient gicler la magie de bataille, les Orcs griffaient, mordaient et entaillaient les chairs avec sauvagerie, les Réprouvés et les Maudits couraient par-devant les soldats en déroute. Mais le troisième navire arrivait et les quais furent repris.
La bataille se propagea alors dans le reste de la cité, car nombre de combattants de la Horde se livraient déjà au pillage des maisons désertées, croyant la victoire assurée. Ils furent balayés et repoussés aux pieds des murailles intérieures.
Protégez Jaïna !
C’est alors que le capitaine de la garnison, un bras déchiqueté, avait surgi dans la mêlée et avait crié : « Protégez
Jaïna, c’est après elle qu’ils en ont ! »
Un effrayant mélange d’acier et de flibustiers investit alors la Tour Maîtresse et le combat s’engagea marche après marche contre les sauvages guerriers de la Horde. La progression fut terrible, mais Jaïna, retranchée dans les hauteurs du donjon, faisait pleuvoir la mort arcanique sur ses assaillants, tenant en respect les combattants les plus enragés. Pris entre deux feux, les ennemis de Théramore succombaient les uns après les autres. Le sang ruisselait des marches, rendant glissante la progression de la garnison. Mais Jaïna était sauvée.
Sans plus d’espoir de victoire, quelques mercenaires se rendirent à Jaïna, celle-là même qu’ils avaient essayé d’abattre.
Arnis des Pitons du Tonnerre réussit à convaincre ses corsaires de baisser leurs lames, il n’était pas temps de se sacrifier inutilement. D’autres chemins attendaient encore les marins du Trident. Des Elfes de la Maison Celwë’Belore réunirent leurs compatriotes et rendirent leurs armes également, le regard flamboyant encore de l’ardeur de la bataille. Ce n’est que plus tard qu’ils apprirent que la Consulte de Lune d’Argent Dame Siana avait pu rassembler à l’extérieur des murs des rescapés Sin'Doreïs et ceux de sa Maison puis à se désengager. De sombres combattants rejoignirent le groupe des rescapés de la Horde qui se rendaient pour protéger leurs flancs.
Jaïna s’interposa entre eux et ses soldats, elle semblait redouter de voir enfreintes les règles de la guerre. Elle croyait encore à la loyauté et aux gestes nobles : «
Ne les attaquez plus s’ils déposent leurs armes ! Obéissez, soldats ! C’est encore moi qui commande cette place ! »
Ses yeux flamboyaient et la magie crépitait encore le long de ses doigts.
Alors, la frénésie des combats à l’intérieur s’estompa et la vision de Théramore apparut aux combattants des deux bords. Le sol était jonché de cadavres de toutes races, le sang noir coulait lentement de mille corps différents. Les seuls gémissements des blessés coupaient désormais le silence de mort qui s’était abattu sur le donjon.
Le soir tombe.
Le soir était tombé. Jaïna avait relâché les combattants de la Horde qui avaient accepté de se rendre. Elle n’avait même pas essayé de les monnayer avec Thrall. Elle n’avait pas poussé son avantage.
Mais peut-être était-ce parce qu’elle n’avait pas conquis elle-même cet avantage et refusait celui que lui offrait la Fraternité de Pavillon Noir.
Les officiers pensaient qu’elle jouait son va-tout pour conserver la neutralité de Théramore et l’espoir de la Nouvelle Alliance. Mais bien des soldats murmuraient, regardant sombrement les combattants ennemis repartir d’où ils étaient venus, par les marais, un instant escortés par les pirates de Pavillon Noir.
Il y aurait une fête, pour sûr. Mais Jaïna n’y participerait pas. Elle resterait longtemps penchée sur son bureau, des cartes de la région sous les yeux, son regard allant sans cesse d’Orgrimmar à Théramore. Thrall l’avait-elle trahie ? Ou avait-il été impuissant à empêcher l’attaque ? Elle ne tarderait pas à apprendre le fin mot de l’histoire, afin de se préparer aux prochains évènements.
Jaïna serra le poing, le regard dur : elle ne laisserait plus Théramore subir sans répondre les assauts d’Orgrimmar. Elle espérait seulement que cette attaque ne serait pas suivie d’autres encore.
***
Varian Wrynn apprit le déroulement des évènements la nuit même. Il resta songeur quelques minutes et laissa échapper un «
bah… » maussade.
***
Thrall restait pensif lui aussi. S’il se réjouissait pour Jaïna, il avait aussi contracté une dette qu’il lui serait pénible de rembourser, il en était d’ores et déjà convaincu.
Il devrait ensuite prendre position sur les évènements. Dans ces moments-là, sa charge lui paraissait encore plus lourde qu’à l’ordinaire. Mais il saurait réactiver ses contacts secrets avec Jaïna, lorsque les cœurs se seraient rassérénés.
***
A Baie-du-butin, l’Arbitre sentait ses mains trembler comme il s’approchait d’un tas de tissus informes et humides posé sur une table, d’où dépassait une main. Un des marins de son Consortium, rescapé de l’abordage de son vaisseau, leva un instant le tissu qui recouvrait également le visage du défunt et l’Arbitre, tombant à genoux, lança un cri qui glaça l’assistance et ses proches. Le cri d’un père à qui on ramène un fils.