Culte de la Rive Noire - RP

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    Le destrier de l'effroi de Xoroth [ZEELIG - ou comment passer du côté obscure]

    Zeelig
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    Message  Zeelig Ven 27 Aoû 2010 - 19:10


              Encore salut !

              Pour celles et ceux qui ne seraient pas rassasiés (là, je pars du principe qu'au moins une personne a lu mes précédents textes...), je propose ici mon troisième et dernière texte à ce jour. Et celui-ci n'est malheureusement pas terminée, faute d'inspiration et de motivation à le poursuivre ; il reste pourtant bien des choses à dire.

              Il s'agit du récit de ce qu'a vécu la démonologue Zeelig juste avant de dominer son palefroi corrompu (vous savez, à l'époque où il fallait encore suer un minimum pour l'obtenir plutôt que de payer quelques ridicules pièces d'or pour qu'il nous arrive tout cuit dans le sac ?). Cette petite histoire, une fois à son terme, montrera qu'une démonologue, même compétente et appliquée, ne peut pas maîtriser toutes les forces du Néant et comme un célèbre teuton l'a dit : quand tu regardes dans l'abîme, l'abîme aussi regarde en toi. Là, pour le coup, à trop vouloir faire venir dans ce monde des créatures du Néant, c'est le Néant qui appellera à lui la jeune femme.

              Voici ce texte qui est donc pour l'heure amputée de sa fin.



              La nuit avait perdu son charme depuis des mois quand Zeelig s’était décidé à s’en remettre au savoir d’un médecin mais ni les charlatans de Hurlevent, ni ceux d’Orgrimmar, ni les sorciers de Fossoyeuse n’avaient de remède à lui donner. Tous, ils l’avaient laissée seule face à ses fantômes et abandonnée à elle-même. La route de la démonologie, tracée depuis sa maison des Paluns jusqu’aux Maleterres, zigzaguant de la Porte des Ténèbres jusqu’au continent glacé, l’avait menée en définitive à une bien sombre destinée. Pendant un temps, elle avait vécu en paix avec elle-même et son passé. Elle avait accepté sa voie, qu’elle fût faite par son inconscient ou par ses parents disparus, et elle dominait tout à fait les multiples aspects de son savoir. Pendant longtemps, elle sembla ne rien connaître du sort funeste des démonistes. On l’avait mise en garde, à d’innombrables reprises. Des amis sincères aux conseils avisés avaient insisté pour qu’elle demeure dans le droit chemin, qu’elle garde la parfaite maîtrise de toutes ses connaissances, qu’elle n’aille jamais trop loin. Mais la démonologie a ceci de sournois et vicieux qu’elle empoisonne le plus sain des esprits, le plus sage des sages, jusqu’à perturber et noircir son propre jugement, à chambouler son discernement, à le rendre aveugle à des logiques évidentes et clairvoyant à d’invisibles évidences. Et tout avait commencé à chanceler pour Zeelig au cours d’une quête personnelle déjà bien trop dévorante.

              Une terre désolée et empestant le souffre avait été le lieu d’une rencontre improbable avec un maître des démons et son étrange acolyte adepte d’expériences interdites. Sous un ciel tourbillonnant et enfumé, l’homme au visage brûlé avait fait miroiter à la jeune démoniste l’espoir d’obtenir la domination d’un démon puissant et profondément caché dans le Néant distordu, esclave d’un seigneur tyrannique et immortel. Il fallut à la démoniste entreprendre un voyage interminable, à travers toutes les terres d’Azeroth, d’un continent à l’autre, et mettre la main sur des artéfacts d’une rareté telle qu’il fallut arracher chacun d’entre eux aux mains devenues rigides de leur ancien propriétaire. Ce voyage de sang vers la mort et le chaos lui fit traverser les territoires les plus reculées du monde, les contrées les plus hostiles, des forêts fantômes et des lacs morts dont la réalité paraissait toute relative, impalpable comme si le monde appartenait à une autre sphère, une sphère éthérée. C’est au cours d’un séjour particulièrement difficile en Féralas que les premiers symptômes firent leur apparition, sans toutefois inquiéter la démoniste.

              Zeelig parcourait le monde au service de l’homme au visage tatoué depuis près d’une année. Elle n’avait accordé de son précieux temps à aucune autre activité que celle de poursuivre inlassablement les buts de Mor’zul. Et malgré ce morceau de vie consacré à une seule chose, elle n’était pas certaine de voir arriver le terme de son périple. Pourtant, le paladin lui avait promis que la fin était proche. Bientôt, elle obtiendrait ce pour quoi elle s’était tant et tant battue, ce pour quoi elle s’était tant compromise dans la magie noire. Elle avait décimé des légions de créatures informes et terrassé bien des adversaires avides de la détrousser. La démonologue avait toutefois maintenant l’assurance et la maîtrise de l’art sombre nécessaire à faire reculer n’importe quelle menace. À de nombreuses reprises lors de combats, elle avait senti ses membres pulser d’une bien étrange manière, comme si le sang dans ses veines s’était subitement changé en quelque chose de plus chaud et de plus lourd mais plus rapide en même temps. Il lui arrivait de ressentir un léger malaise à l’évocation de tels souvenirs mais au cœur de l’affrontement, quand cette sensation de légèreté pesante se faisait sentir, elle ne regrettait aucun de ses choix et ne souhaitait rien d’autre que ce qui était désormais sa vie propre. Pour l’heure, il lui fallait trouver un endroit où passer la nuit car ses jambes ne la porteraient bientôt plus. Elle s’éloigna du sentier et grimpa à travers les ronces et les fougères jusqu’à atteindre un promontoire rocheux relativement plan et surélevé. De là, elle aurait une vue plongeante sur le chemin et serait à l’abri de prédateurs locaux. Elle avait vu des gorilles particulièrement féroces, à plusieurs reprises depuis qu’elle avait quitté les Mille Pointes, et ne souhaitait pas particulièrement recevoir leur visite au cours de son sommeil, même si elle avait un gardien hors pair, de nuit comme de jour.

              Elle sortit quelques étoffes de son sac et les étala au sol pour se protéger de la forte humidité qui régnait ici. Elle n’avait que quelques restes séchés de ce qui avait été jadis un ragout de coyote et du pain rassis. Elle avala le tout en un temps record, faisant la grimace, et fit passer son repas avec quelques savoureuses gorgées d’un lait tiède. Tandis que le soleil disparaissait, Zeelig s’abima dans la contemplation des plantes géantes et de la forêt luxuriante de cette partie du monde. Tout y était encore sauvage et vierge. Le bruit des sous-bois n’était troublé que par les grognements rauques de quelques gnolls idiots regroupés en tribus fragiles. Au fur et à mesure que la pénombre se faisait nuit, le brouhaha ambiant diminuait jusqu’à devenir un parfait silence. C’est alors que Zeelig entendit, au loin, le bruit des vagues qui s’écrasaient sur la côte, à quelque distance de son campement de fortune. Elle s’allongea sur le dos et reposa sa tête sur son sac difforme. Elle tenta de discerner Thangron, dont la peau était d’un bleu aussi profond que la nuit au-dessus de Féralas. Ses deux yeux étaient comme deux étoiles perdues dans la voûte céleste et il se fondait ainsi parfaitement avec le ciel nocturne. Il ne faisait aucun bruit, n’esquissait aucun geste. C’était à croire qu’aucune forme de vie intelligente n’habitait ce corps issu d’un autre monde. Sa maîtresse éprouvait parfois un tel mépris pour cette créature stupide qu’elle se demandait s’il ne valait pas mieux la laisser retourner errer sans but dans son Néant d’origine. À d’autres moments, lorsque la sensibilité de sa jeunesse résonnait encore dans son cœur tel un écho mourant dans les collines, elle le considérait comme un être proche, quelqu’un à qui elle tenait profondément et, pour tout dire, son seul véritable ami, si tant est qu’il pût recevoir un tel nom. Elle l’entendait même parfois marmonner. C’était très diffus mais elle sentait un son s’échapper des profondeurs bleu-nuit de son non-corps et elle était prête à parier que, de temps à autres, elle et lui parlaient la même langue.

              Tandis que la démoniste se laissait aller au sommeil, le démon, lui, ne pouvait détacher son regard du visage de sa maîtresse. Tel avait été son ordre mental. Il ne pouvait voir ailleurs, ne pouvait penser à autre chose ni se rendre en un autre endroit, pas plus qu’il n’était libre de quitter cette sphère de réalité pour retrouver son Néant distordu. Il était là, comme un double de la conscience perturbée de la démonologue, une marionnette entièrement et exclusivement dévouée à la femme des Paluns, incapable ne serait-ce que de penser à autre chose qu’à ce que sa maîtresse, bien malgré elle, lui avait ordonné de penser, à savoir, rien. Cette vie de néant, d’absence, de vide, était la sienne depuis une éternité, désormais. Mais la démoniste n’était toujours pas conscience de la torture perpétuelle qu’elle infligeait à son plus fidèle ami. Cette nuit encore, le réconfort du sommeil lui serait interdit. Cependant, très bientôt, la démonologue commencerait à avoir quelques notions de ce que pouvait ressentir sa créature asservie.

              Zeelig vivait une non-vie dans un monde qui n’avait rien de consistant ni de palpable, un monde vaste et infini constitué d’un seul décor, le néant et ses flux d’énergie torsadés qui s’enroulaient inlassablement les uns autour des autres comme un boa gigantesque. La démoniste était suspendue dans le vide et elle ne ressentait aucune pression sur son corps. Elle n’avait pas conscience que cet endroit eût un haut et un bas, un est et un ouest, en un mot : un sens. Cette zone de l’espace infini entre les mondes n’avait absolument rien de comparable avec ce qu’était le monde d’Azeroth. L’esprit né aux Paluns ne pouvait avoir nul repère en ces lieux. Tous les sens de Zeelig étaient inutiles. Il n’y avait ici rien à toucher, rien à sentir, rien à entendre et rien à sentir. Et s’il était possible pour elle de voir toutes les couleurs des rivières de démons qui s’écoulaient, elle ne pouvait interpréter aucune image. Tout ceci n’avait aucune logique. Son cerveau travaillait dans le vide et chacune de ses pensées, plutôt que d’être émise vers l’extérieur, se contentait de tourner en rond dans son esprit, infiniment, jusqu’à ce que la folie s’emparât d’elle. Elle était un corps sans vie agité d’un esprit devenu dément. Crier, griffer, se débattre, libérer ses énergies arcaniques lui étaient autant de comportements interdits. Chaque seconde qui passait – autant que les secondes et le temps eussent un sens ici – était une épreuve interminable qui éprouvait la solidité de son esprit. Elle savait qu’il était fort et résistant mais dernièrement, il était indéniable qu’elle était devenue plus sensible à certains aspects de la magie démoniaque et du Néant distordu. Et chaque seconde qui passait – autant que les secondes et le temps eussent un sens ici – était un pas de plus vers la démence la plus parfaite. Les seules images qui parvenaient à ses yeux dénués de conscience n’étaient que le défilé incessant de millions d’entités démoniaques errant sans but dans un torrent arcanique sans début ni fin, s’enroulant sur lui-même ; un serpent se dévorant la queue.

              Zeelig se réveilla en hurlant si fort et si longtemps qu’elle entendit, une seconde plus tard, son propre cri revenu vers elle en écho. Tous les bruits de la jungle s’étaient tus et Thangron, imperturbable malgré lui, l’observait de ses yeux jaunes et vifs. Elle prit un morceau de sa couche de fortune et s’essuya le front et les joues qu’elle avait trempés. Elle mit une main sur sa poitrine et sentit son cœur pulser d’une étrange façon, comme s’il eût été distant ou camouflé sous un linge épais. Elle eut l’impression que c’était là le cœur d’une autre. Elle grimaça sous la douleur et attendit que le calme revînt en elle. Quand elle retrouva un rythme ordinaire et régulier, elle observa le ciel et vit que la lune, qu’elle distinguait par intermittence entre les arbres, allait bientôt passer au-delà de l’horizon.

              « Il est temps qu’on se remette en route, Thangron. Allons-y ! » dit-elle tandis qu’elle se levait et commençait à réunir ses affaires. Elle fit tout entrer dans son sac à dos, comme elle y parvenait toujours, et s’assura que son sac de pierres était correctement attaché à sa ceinture avant de reprendre la marche. Le fait qu’elle avait parlé à son démon de vive voix et dans l’intention claire qu’il comprenne son message ne se révéla à elle-même que plusieurs minutes plus tard. Cette réflexion dévia son attention du chemin un instant, un seul instant qui fut toutefois suffisant pour qu’un ours aussi gros qu’un elekk la surprît. La démoniste se cambra en arrière et évita de justesse les quatre griffes prodigeusement longues de l’animal, dont elle sentit le souffle du mouvement sur sa peau. Par réflexe, Thangron enroba sa maîtresse d’une armure démoniaque qui la fit partiellement quitter la matérialité de ce monde. La démoniste ne le savait probablement pas encore à ce stade de son apprentissage des arts sombres mais chaque fois que l’armure du démon était posée sur son esprit, celui-ci quittait un peu Azeroth pour rejoindre le Néant et à chacun de ces voyages, elle perdait un peu plus de sa conscience du monde réel. Le fait d’avoir été surprise ainsi comme une jeune citadine perdue dans un bois l’avais mise en colère et c’est avec cette même colère que Thangron se rua toutes griffes dehors sur l’ours noir. Il leva ses bras immatériels pour les abattre rageusement sur la bête sauvage qui s’effondra sous le choc pour se relever aussitôt, plus enragée encore. L’ours grogna sur le démon, de toutes ses forces, jusqu’à en faire vibrer le sol et l’air de Féralas. Thangron frappa de nouveau, fermant la gueule de l’ours dans un claquement sec. De derrière le démon, un trait rapide et brûlant fusa et percuta l’animal dans les flancs dans une explosion d’arcanes, et il ploya de nouveau sous l’impact. Tandis qu’il se relevait encore, la démoniste appela sur son adversaire une malédiction d’agonie qui l’enveloppa d’un voile sombre, le rendant particulièrement faible et fragile aux attaques du Néant. Tout en même temps, Zeelig continuait de faire jaillir de son bâtonnet une pluie arcanique qui illumina le sous-bois de parme et de pourpre. Les coups violents du démon blessaient l’animal en de multiples endroits, faisant jaillir le sang et craquer les os tandis que les attaques de magie noire de la démoniste le faisaient peu à peu perdre de sa consistance pour filer doucement vers le monde immatériel. Sentant que la fin était proche, Zeelig décidé d’asséner un coup fatal à la bête. Elle glissa son bâtonnet dans sa ceinture et ouvrit son grimoire. Elle lut quelque incantation démoniaque tandis qu’elle préparait un trait d’ombre venu tout droit du Néant distordu. Le trait jaillit de sa main libre et fila droit vers la gueule de l’ours. Celui-ci fut soulevé du sol et projeté en arrière dans un ultime grognement mais la joie de la victoire fut courte. En effet, la lumière noire qu’avait produit l’impact révéla à la démoniste une meute entière de loups qui étaient jusque là tapis juste derrière l’ours, attendant l’heure d’attaquer. L’ours ayant péri, il ne faisait nul doute que l’humaine serait le repas de substitution. Aussitôt, elle appela sur elle un brise-âme qui la dissimula partiellement aux yeux de l’ennemi et Thangron poussa un grognement tellement sinistre et puissant que le cri de l’ours maintenant terrassé passait pour un miaulement. Les loups rentrèrent la tête entre les épaules pendant une seconde, ce qui fut suffisant pour que la démoniste bondisse du promontoire où elle avait élu domicile pour la nuit. Elle glissa sur la végétation couverte de rosée fraîche et ne resta debout que quelques secondes. Une fois sur les fesses, elle n’en stoppa pas moins sa descente de plus en plus rapide. Elle rappela Thangron à elle, lequel avait maintenant près d’une douzaine de loups à ses trousses. La démoniste prit ses jambes à son cou, filant droit vers l’ouest et Thangron la suivit d’aussi près qu’il put. Mais les bêtes sauvages étaient bien plus rapides qu’un démon sans jambe et une humaine de petite constitution. Elle se risqua à fermer les yeux et se concentra pour appeler sur ses poursuivants un sort de corruption, en espérant que cela suffirait à les ralentir, sinon à les stopper. Les loups gémirent sous les assauts de magie sombre et certains d’entre eux – trop peu – s’arrêtèrent net et rebroussèrent chemin pour rejoindre leur tanière, apeurés mais l’effort avait été tel qu’elle faillit perdre l’équilibre et s’effondrer par terre.

              Zeelig et Thangron avaient marqué quelque distance avec leurs assaillants quand ils retrouvèrent le chemin balisé. Ils redoublèrent d’effort pour gagner de la vitesse et suivirent la courbure que le sentier faisait vers le nord. La démoniste ne pouvait pas courir aussi vite et incanter des sortilèges en même temps. La force requise pour l’un et l’autre était trop importante et la concentration n’y était pas. Les précédentes incantations avaient drainé trop de sa force vitale et lancer un nouveau sort aurait été mettre en péril son intégrité mentale et, par conséquent, physique.

              Les loups qui n’avaient pas fait demi-tour ne semblaient pas vouloir abandonner le combat, ni leur repas. Zeelig songea un instant à faire volte-face pour affronter la meute qui la talonnait de près, quitte à faire usage des dernières forces qui lui restait mais au même instant, les premiers piliers cyclopéens de Féralas apparurent, dont le sommet perdu haut dans la jungle était déjà illuminé par les premiers rayons du soleil levant. Elle se cru sauvé mais c’était sans compter que l’endroit n’avait rien d’un fort offrant refuge et sécurité. C’était une ruine peuplée d’ogres et de créatures sauvages. Elle ne ralentit pas sa course pour autant, c’eût été signifié sa mort. Elle monta les hautes marches deux à deux, Thangron sur ses pas, et arriva sur une première esplanade. Ses craintes se révélèrent fondées puisqu’une demi-douzaine d’ogres était en train de se lever. Le bruit de la poursuite et les hurlements des loups les avaient tous réveillés. Bien déterminés à ne pas laisser quiconque pénétrer l’enceinte des Haches-Tripes, ils fondirent sur l’humaine à bras raccourcis. Elle savait qu’elle ne pourrait pas lutter contre autant d’adversaires même si Thangron était encore suffisamment en forme pour encaisser de nombreux coups. Il ne lui restait qu’une solution, celle d’utiliser ce qui lui restait de force pour un ultime appel aux secours lancé aux créatures chaotiques du Néant. Elle psalmodia quelques mots en une langue inconnue et demanda le secours de l’autre monde. Un éclair de douleur fusa dans sa poitrine et sa vision se brouilla. Un grondement sinistre agita le sol mais ce n’était pas sous le pas rapide des ogres. Une déchirure se fit dans l’air au-dessus d’eux et il en coula une cascade de démons, un torrent de créatures horribles aux mille visages torturés qui tombèrent sur la démoniste comme un torrent venu des cieux, criant, hurlant, vociférant, tous en même temps, en un chœur funeste, sinistre et dément. Toutes les créatures dotés d’un sens de raison et d’un instinct de survie déguerpirent encore plus vite qu’elles n’avaient fondu sur la démoniste. Zeelig elle-même évita de peu de sombrer dans un état de terreur irrépressible. Elle était exténuée mais le résultat était sans appel : la place était vide et les attaquants n’étaient pas près de revenir.

              Elle s’engouffra rapidement dans un corridor étroit qui menait droit au cœur des Haches-Tripes. Là, il lui faudrait absolument recouvrer ses forces car toutes les créatures de Féralas n’étaient que broutille face à ce qui attendait la démoniste à l’intérieur de ce sanctuaire abandonné.

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    Message  Zeelig Lun 11 Avr 2011 - 17:36



              Elle s’engouffra rapidement dans un corridor étroit qui menait droit au cœur des Haches-Tripes. Là, il lui faudrait absolument recouvrer ses forces car toutes les créatures de Féralas n’étaient que broutille face à ce qui attendait la démoniste à l’intérieur de ce sanctuaire abandonné. Elle ne voulait cependant pas s’arrêter trop tôt. Les bêtes sauvages de la forêt pouvaient revenir à tout moment. Haches-Tripes n’était pas un lieu à l’abri du danger. Ses arches de pierre fracturées, ses portes éventrées, la végétation avait repris possession de l’endroit depuis qu’il avait été abandonné. Cent ans ? Mille ans ? Zeelig n’en avait aucune idée mais d’après le nombre de racines qui traversaient les murs… Elle s’étala de tout son long, sa botte prise dans un entrelacs de lianes. Son menton frappa violemment le sol dallé et un goût métallique inonda aussitôt sa bouche. Elle cracha du sang et fit la grimace. Elle se sentit honteuse sous le regard de celui qui l’observait pourtant sans jugement. Elle se releva promptement, la rage pulsant à ses tempes. Elle fit le tour de ses affaires pour s’assurer que rien ne manquait. Le bocal était toujours là, tout au fond de son sac. Il semblait fait de roche et peser des tonnes. Pourtant, c’était à peine si Zeelig en sentait le poids. Elle repassa le sac sur son dos et poursuivit sa marche, le taciturne Thangron sur ses pas. Ce qui suivit ne fut que chaos, mort et destruction.

              Par la suite, la démoniste ne se souvint pas du reste de son périple dans Hache-Tripes. Ce fut comme si elle avait été projetée en plein milieu d’une arène, une vaste zone vaguement circulaire, dont les dalles du sol étaient gravées de signes étrangers et de glyphes incompréhensibles. Sa présence au centre de ce cercle magique semblait avoir effacé sa mémoire des quelques dernières minutes – ou était-ce des heures ? Le trouble qui l’agitait n’allait pas aider au bon déroulement du reste de sa quête personnelle. Aussi décida-t-elle de faire le vide dans son esprit et de porter toute sa concentration sur les quelques mots du Porte-Sang. L’image du bocal s’imposa aussitôt à son esprit. Ce bocal si présent par l’impact que ses motifs avaient sur l’âme humaine mais si absent par le caractère éthéré de sa nature profonde.
    Ouvrant le bocal d’une main et détournant le regard – Zeelig imaginait un bocal sans fond, dont la contemplation mènerait l’observateur tout droit dans la folie – elle répéta la courte incantation apprise par cœur avant même de commencer le voyage depuis les Steppes Ardentes. Dans un prodigieux éclair vert et or, un petit démon hystérique apparut. La démoniste le connaissait plus ou moins pour l’avoir vu prêter main forte au Porte-Sang lors de nombreuses expérimentations. Son apparition était convenue d’avance, aussi ne fut-elle pas surprise, pas davantage quand il trottina tout autour d’elle pour exécuter sa mission comme le bon petit soldat qu’il était, entièrement voué à Mor’zul. Comme bon nombre de démons, il ne parlait presque pas. Les quelques mots de langage commun qu’il maîtrisait étaient cloche, roue et chandelle, qu’ils répétaient à l’infini et jusqu’à l’écœurement. La cloche était un voile d’ombre qui se tenait non loin de la démoniste, comme suspendu en l’air et dont les pans retombaient amplement sur le sol. La torche était un jaillissement d’énergie d’ombre qui fusait vers le ciel et semblait disparaître de ce monde avant même d’être hors de vue. Quant à la roue, il s’agissait d’un enchevêtrement d’anneaux et de disques de pierre et de sombrefer qui se mirent à tournoyer lentement les uns autour des autres. Les trois artéfacts, qui donnaient l’impression de tourner au ralenti, s’activèrent soudainement lorsque le diablotin prononça quelques mots d’Eredun. La torche explosa littéralement, libérant un flot ténébreux jusqu’à la voûte céleste qui sembla assombrir le soleil lui-même. La roue s’emballa comme un rocher lancé du haut d’une falaise. Son composants atteignirent une vitesse telle que tout devenait flou et l’ensemble eut bientôt l’air d’une sphère parfaite, si noire qu’elle en devenait invisible. Enfin, la cloche, abandonna son voile d’ombre au profit d’un revêtement de pierre solide et consistant, tout à fait réel. Toute la surface de la zone d’invocation pulsa d’une vie souterraine, comme si une entité cachée là-dessous commençait à manifester son envie d’en sortir. Le diablotin termina son intervention par une invocation dans la même langue étrange, tantôt subtile, tantôt grossière, puis disparut entièrement. Le silence se fit alors, pendant une seconde, parfait, limpide, exceptionnel. Le monde entier se figea. Zeelig eut le sentiment d’être alors une partie intégrante du décor, une simple pierre dans un gigantesque viaduc, si infime, si insignifiant mais tellement importante aussi, un détail dans une image, un point de couleur au milieu d’un tableau. Puis l’image explosa et chaque chose reprit son individualité propre. Le cercle d’invocation, maintenant matérialisé par des veines violacées qui courraient tout autour de la démoniste, vola en éclats et le sol ne fut plus que ténèbres splendides. Zeelig se crut suspendue en l’air, au-dessus d’un océan de chaos. Des bras, des griffes, les mains tendues et agressives de dizaines de créatures apparurent à la surface de cet océan, criant, hurlant, geignant comme si elles subissaient tous les maux de cet univers et des autres. Et tandis que ces démons arrivaient massivement dans ce monde, le diablotin profita de la porte ouverte pour retourner dans le sien, abandonnant la démoniste à son sort.

              C’était une véritable armée qui s’amoncelait là, sous les yeux médusés de celle qui avait traversé la mer immense pour mener ce voyage à son terme. Les monstres étaient informes, tous différents, ici un tas d’ombres animés de mouvement, là une créature aux bras multiples, chacun tenant une lame acérée, là encore un animal aux allures de reptile et tous, sans exception, avaient une lueur dans le regard qui ne trompait pas. Ils refoulaient de cette essence dont était constitué le Néant Distordu. Zeelig faillit faire un pas en arrière mais, comme face aux félins de Strangleronce, c’était signer son arrêt de mort. Elle se ravisa donc et saisit le bâton qui était jusque là passé entre les lanières de son sac à dos. Elle observa Thangron du coin de l’œil et ravala un hoquet de surprise. Il lui sembla, l’espace d’un instant, que le démon lui avait rendu son regard, teinté de la même inquiétude, de la même angoisse de ne pas en sortir vivant, autant que ce terme eût un sens pour le marcheur du vide. Dans cet échange de regard, il passa un flot infini de sentiments et de paroles. Semblant acquiescer tous deux, ayant convenu de la prochaine action à entreprendre, ils se ruèrent à toute allure vers l’armée de démons, Zeelig tenant fermement son bâton entre ses deux mains crispés, Thangron avançant toutes griffes dehors, la gueule grande ouverte et crachant à la manière des félins.
    Le premier assaut fut fatal pour bon nombre de démons qui semblaient être pris au dépourvu, comme si Zeelig menait une offensive contre eux alors qu’elle ne faisait que se défendre contre leur invasion. Libérant la rage qui l’habitait presque constamment maintenant, tout en restant suffisamment concentrée pour rester maîtresse de son art sombre, elle asséna un premier coup d’un revers du bâton. Le hurlement dont elle accompagna son geste donna une force telle à son coup qu’il fendit le démon en deux, l’aspergeant généreusement d’une substance nauséabonde, d’un violet tirant sur le noir. Ses yeux brillèrent alors d’une lueur jaune similaire à celle qui animait le regard de Thangron. Ce dernier, de son côté, avait lacéré l’une de ces créatures aux six bras. Plusieurs d’entre eux gisaient au sol, encore agités de spasmes nerveux. Ce carnage, plutôt que de dégoûter les deux combattants, raviva leur hargne du combat et leur volonté de vivre, de survivre aux assaillants. Les coups plurent sur les démons, leur corps sans consistance se dispersa sur le sol d’un noir toujours aussi profond. Zeelig et Thangron tournoyaient sans cesse pour déstabiliser les démons qui ne brillaient pourtant pas par leur organisation. Tantôt ils menaient des assauts coordonnés pour constituer une force massive contre le chaos, tantôt ils se séparaient pour opérer des attaques en tenaille mais à chaque fois, ils causaient des pertes conséquentes dans les rangs adverses, jusqu’à ce que de nouvelles créatures fassent leur apparition. Les renforts arrivèrent par le même biais que les premières forces : par le sol, s’extrayant d’une soupe de ténèbres comme un noyé revient du fond des océans pour hanter la surface. Zeelig et Thangron s’éloignèrent du cercle d’invocation pour ne pas se retrouver sous les pattes du nouveau démon. Celui-ci s’extirpa de cette mélasse arcanique lentement, permettant à tous de prendre conscience de sa taille gigantesque. La forme de son corps verdâtre l’assimilait aux seigneurs draconides d’Azshara. Ce démon semblait effrayer davantage les autres que la démoniste qui s’efforçait de maintenir un semblant de constance. Il fit un premier pas vers Zeelig et les murs de Féralas murmurèrent leur effroi, des arcades s’effondrèrent, des pierres se délogèrent de leur structure, des lianes semblèrent se rétracter pour trouver refuge ailleurs. Les autres créatures se précipitèrent sous ses pieds, qu’elles aient voulu soit se prosterner à ses pieds, soit retourner au plus vite d’où elles venaient par le portail encore ouvert. Au fur et à mesure qu’il avançait, le sol paraissait s’affaisser sous ses pas. Zeelig finit par penser que le combat ne se terminerait peut-être pas comme elle l’entendait. Ses doutes se firent certitude lorsque trois autres monstres identiques jaillirent du gouffre d’ombre. Elle se cramponnait à son bâton d’une main, l’autre arrachant sa baguette à sa ceinture, prête à faire feu de tout bois, persuadée qu’elle était de devoir donner une image héroïque en cet instant, une dernière gloire offerte au crépuscule de son existence. C’est alors qu’un détail attira son attention entre les pattes de l’un des démons titanesques. Une petite chose lumineuse sortait du sol à son tour. Un petit être que la démoniste reconnut entre tous : le diablotin de Mor’zul. Il se dirigeait discrètement vers la cloche de Dethmoora. Zeelig comprit qu’il ne s’agissait peut-être pas là d’un simple outil d’invocation. Elle eut la confirmation de son hypothèse lorsqu’un grand coup résonna et qu’une vague d’ombre se propagea à travers le grand hall, s’embrasa au contact de la chandelle de l’apocalypse et terrassa presque instantanément les quatre monstruosités du Néant. La démoniste s’estima heureuse et chanceuse de s’être tenue à ce moment-là loin du portail d’invocation. Elle n’était pas sûre d’avoir pu survivre à cette onde de choc, pas plus que Thangron.

              Elle se rapprocha des corps encore agités d’un reliquat de vie et les acheva, un à un, d’un trait d’ombre dopé par le sentiment vivifiant de la victoire. Au terme de chaque combat, c’était la même vague de satisfaction qui envahissait la démoniste ; un flot extatique qui la parcourait des pieds à la tête, la faisant frissonner tout le long de son échine, dressant le duvet de son cou, privant parfois ses jambes de la force de la soutenir. C’était un sentiment orgasmique qui lui apportait une certitude : celle de toujours prendre un plaisir, malsain ou non, à voir ces créatures informes mourir par sa volonté. Tant que ce bonheur bestial serait là, elle saurait qu’en son for intérieur, elle se sentait différente d’eux par essence et qu’à aucun moment, elle ne pourrait basculer dans ce monde chaotique de ténèbres et de folie. Devenir une telle créature ou être prisonnière de leur monde serait la pire insulte que le destin pourrait faire à une manipulatrice des ombres. Devenir l’esclave, perdre sa volonté, son libre arbitre, son humanité. Zeelig sentit tout à coup son visage s’empourprer et un regard fixer sa nuque. Elle eut honte d’elle-même. Thangron, là, derrière elle, toujours prêt à risquer son existence pour sa maîtresse, lui avait adressé un regard avant le combat. Un regard. Juste un regard. Un mouvement imperceptible de ce qui lui servait de globes oculaires. Une nuance infime dans la lumière de ses yeux. Ce regard qui voulait pourtant dire tant et tant de choses. Je suis là, avec toi, à tes côtés depuis tant d’années, prêt à sacrifier ma liberté, mon existence, mes souvenirs pour te sauver, mettant de côté sans hésiter tous les risques pour te prêter main forte, oubliant ce que je suis pour sauver ce que tu veux être, oubliant mon passé, oubliant les possibilités de fuir, de t’échapper, de glisser entre tes doigts pour disparaître à jamais, me consacrant à toi, me sacrifiant pour toi, pour ta gloire égoïste, pour ta fierté malsaine, pour ta vanité égocentrique d’humaine, je suis là. Dans ce regard, Zeelig avait cru lire tout ça, et bien d’autres mots encore, comme l’insinuation que Thangron avait la possibilité de la quitter à tout instant mais qu’il décidait de ne pas le faire. Qu’était ceci, sinon une preuve d’amitié et de confiance aveugle ? Un être capable d’une telle démonstration pouvait-il n’être qu’un souffle de vie sans volonté, sans humanité, sans désir ?

              Zeelig chancelait dans ses certitudes et dans les fondations de son savoir. Ce n’était pour le coup plus un savoir, plutôt une croyance, plutôt une ignorance, un aveuglement. Le doute ne put la ronger davantage puisque déjà, le sol s’agitait d’un nouveau tremblement. Le cercle d’invocation prit encore de l’ampleur pour couvrir l’entièreté de la place où Zeelig et Thangron se tenaient avec le diablotin. Pourtant, seul un animal aux allures de cheval en sortit, monté par le seigneur Hel’nurath, un puissant Nathrezim de Xoroth. La magie qu’il maîtrisait était faite de chaos pur. Il en dégoulinait de son corps. Il en vivait comme un Homme vit d’oxygène. Derrière lui, Zeelig vit le diablotin se tourner à nouveau vers la cloche. Elle jugea le moment opportun pour ouvrir le feu et c’est littéralement une pluie de flammes qui s’abattit sur le seigneur xorothien. Thangron habilla sa maîtresse d’une protection d’ombre qui atténuerait considérablement chaque coup, physique ou magique, que pourrait lui porter le Nathrezim et il se jeta sur le destrier pour en faire tomber son cavalier. Le diablotin, simultanément, asséna des dizaines de coups successifs sur la cloche qui, chaque fois, libérait un raz de marée de magie démoniaque. Le monde environnant s’embrasa, des flammes de feu, d’ombre et d’arcanes jaillissaient du sol noir comme la nuit et se propageaient à la roche même qui composait Haches-Tripes. Les vagues successives générées par la cloche transformaient le jour en nuit et rendaient progressivement sourd tous les combattants. Malgré cela, lorsque la torche fit jaillir un nouveau flot d’énergie vers le ciel, le rugissement tonitruant de ses flammes fit sursauter les belligérants. Ce fut un univers de vacarme, de feu, de magie saturant l’air, de chaos et de ténèbres déferlantes. Les éclairs fusaient de toute part, la démoniste parait les coups portés par Hel’nurath, virevoltait, dansait autour de lui, Thangron griffait, déchirait, lacérait les chairs des monstres devant lui et le diablotin frappait la cloche, frappait encore et frappait toujours pour que ne cessent jamais les assauts assassins. Depuis les Pics Jumeaux, non loin, un observateur éventuel aurait aperçu Haches-Tripes comme enfermé sous une gigantesque cloche noire striée de violet.

              Au beau milieu du combat, alors qu’aucun des deux camps en opposition ne semblait pouvoir prendre le dessus sur l’autre, Zeelig se souvint de la formule de domination donnée par Gakin, le démoniste caché dans les sous-sols de Hurlevent. Elle n’avait eu à la réciter qu’une fois mais cela avait nécessité une telle concentration que chaque mot d’Eredun était resté gravé dans sa mémoire. La justesse et la précision avec laquelle il avait fallu restituer la phrase incompréhensible avaient de quoi marquer un esprit et une mémoire pour longtemps. Elle profita d’un moment où Hel’nurath reportait son attention sur Thangron pour se concentrer sur l’invocation. Elle s’approcha pas à pas du destrier jusqu’à être à distance de contact. Là, elle posa sa main sur l’une des cornes qui déchirait les chairs de l’animal et récita la formule, d’une traite, sans une seconde d’hésitation, sans heurt. Le cheval – pour autant que cette créature put recevoir un tel nom – hennit avec force et rua violemment, projetant son maître au sol où il s’étala de tout son long. Dans le même temps, Zeelig entendit le bruit caractéristique d’objets métalliques chutant au sol. Elle se retourna un instant et vit les deux poignets de Thangron qui roulaient sur le sol. Le démon asservi avait disparu. La démoniste crut d’abord à une désertion. Avant même que cette hypothèse n’allât plus loin, Zeelig comprit où avait été son erreur. La formule d’incantation avait permis de mettre main basse sur le marcheur du vide, au moyen de ses bracelets magiques venus tout droit du Néant. Par la répétition de la même formule, elle avait rendu la domination de Thangron inactive pour la reporter sur le destrier xorothien. Voyant que le Nathrezim se relevait déjà malgré les assauts persistants du diablotin, elle eut alors une idée. Elle invoqua de nouveau Thangron à ses côtés, le rappelant du Néant où il avait été rejeté par mégarde. Il répondit à l’appel, ce qui rassura la démoniste et, comme elle s’y attendait, le destrier fut aussitôt renvoyé là d’où il venait, laissant son maître seul face à ses trois adversaires. L’unique seconde de doute et de crainte qu’il s’accorda lui fut fatal. Le diablotin cessa de s’acharner sur la cloche, jugeant que le démon était maintenant suffisamment affaibli pour se voir porter le coup de grâce. Il alla vers la torche qu’il braqua vers Hel’nurath et déversa sur lui un flot d’ombreflammes. Thangron, fraîchement rejailli du Néant, fondit sur lui et le traversa de part en part et Zeelig, dans un ultime effort qui allait puiser dans ses dernières forces, embrasa l’âme du Nathrezim qui s’effondra au sol en finissant de se consumer, laissant échapper une fumée noire putride qui tombait lourdement vers le sol et y stagnait comme la brume épaisse des marécages d’Âprefange. Le diablotin fit le tour du cercle d’invocation pour récupérer ses trois artéfacts magiques, comme l’apprenti docile qu’il était, puis disparut dans son bocal qui gisait au sol. Aussitôt, toutes les brumes, brouillards, fumées et fluides étrangers à ce monde se désagrégèrent rapidement pour disparaître tout à fait, laissant Hache-Tripes dans son état initial de ruines étranglées par la végétation luxuriante.

              Zeelig sentit la tête lui tourner et sa vision s’assombrir. Ce n’était pas une nouvelle invocation du Néant mais le contrecoup de ce déferlement d’énergie. Elle plia les jambes et chercha le sol d’une main hésitante. Elle sentait que si les dalles fermes et solides de Haches-Tripes ne venaient pas promptement la soulager de son poids, elle s’y écroulerait aussi brutalement qu’un sac de pommes de terre. La lassitude la saisit aussitôt allongée. Il lui fallait du repos, du sommeil, du calme. L’endroit serait parfait. Là, c’était bien. C’était très bien.


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